Ne parle pas. Pas encore. La bouche n’est pas faite pour les mots ce soir. La bouche est faite pour l’écho qui précède le mot.

Qu’on laisse à la peau le temps de se souvenir. Qu’on ne presse pas la pulpe du fruit : qu’elle s’ouvre quand elle veut. Qu’on n’appelle pas « désir » ce qui n’a pas encore frémi. Le désir n’est pas une flèche : c’est une lente montée de marée, une mémoire qui remonte avant même d’avoir existé.

Il y a des zones muettes sur le corps, des lieux non cartographiés entre deux vertèbres, où le doigt, s’il s’attarde, devient oracle. Il y a des silences entre deux souffles plus éloquents que tous les livres d’amour. Ne les remplis pas de mots. Laisse-les vibrer, comme un champ de battement de cœurs.

Caresser, ce n’est pas prendre, c’est reconnaître. Le corps que tu effleures n’est pas corps, il est pays. Tu ne le parcours, tu le nomades. Tu ne le découvres, tu le réinventes à chaque seconde. Et chaque seconde, il te réinvente aussi.

Qu’on n’appelle pas « plaisir » ce qui se mesure. Qu’on n’appelle pas « réussite » ce qui se montre. Le frisson n’est pas une note de musique, c’est le silence entre deux notes. L’orgasme n’est pas un sommet, c’est une déflagration lente qui remonte le temps, qui efface le nom, qui rend l’âme au corps, qui rend le corps à l’âme.

La peau parle quand la langue se tait. L’odeur raconte ce que la mémoire a oublié. Le frisson traduit ce que le cœur n’a pas encore nommé. Et le regard, quand il s’attarde, devient phrase infinie, syntaxe de l’infini

Alors, ralentis. Oublie les formules. Oublie même ce manifeste. Et quand tu effleures, effleure comme si le monde allait s’arrêter à ce geste. Parce que, peut-être, il s’arrête. Et que, là, dans l’arrêt du monde, le corps recommence à parler.

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